vendredi, avril 04, 2008

Slovénie. La face sombre du prétendu « bon élève » de l’Europe de la rigueur

Dans ce pays réputé très respectueux des critères de l’UE, tout est loin d’être rose pour les salariés confrontés à une forte hausse du coût de la vie.

Ljubljana (Slovénie), envoyé spécial.

Pendant quelques jours, la Slovénie sera sous les feux de la rampe. Le 5 avril, c’est dans la capitale de ce « petit pays » coincé entre l’Autriche, la Croatie, l’Italie et la Hongrie que se tiendra le conseil Ecofin réunissant les ministres de l’Économie et des Finances des 27 pays de l’Union européenne (UE).

Ce « bon élève » des « nouveaux États membres » (depuis le 1er mai 2004) est aussi le premier à présider l’UE. De prime abord, il a tout pour plaire. L’économie est dynamique : le taux de croissance du PIB est de 6,1 % en 2007 (contre 2,4 % pour les 27 pays de l’UE), le taux de chômage affiché de 4,8 % (7,1 % de moyenne pour les 27). Selon Nebojsa Vukanovic, chercheur associé à l’École normale supérieure, « en ne suivant pas les recommandations du FMI, mais en suivant son propre modèle de développement, la Slovénie a accompli une mutation avec un certain succès ».

Pourtant, le salaire brut moyen, même s’il est plutôt plus élevé que dans les anciens pays de l’Est, ne culmine qu’à 1 523 euros. Et surtout, quand l’inflation dans la zone euro est de 3,5 %, elle grimpe ici à 6,4 %. « Les prix augmentent énormément ; le logement, l’alimentation : tout est touché », explique Janez Jaksa, du syndicat SDR. En effet, sur une année, l’indice des prix à la consommation, pour l’alimentation uniquement, s’est envolé de 13,5 %. Et l’augmentation des prix a été concomitante à l’introduction de l’euro, en 2007.

Parallèlement, comme le souligne le responsable syndical, « les salaires ont augmenté de 2 à 3 % ». Sans commune mesure, donc, avec l’augmentation du coût de la vie. Son analyse est éloquente : « Il n’y a qu’une très petite minorité de la population qui bénéficie des profits dégagés ici. »

Ces problèmes ne sont pas récents. En novembre 2007, par exemple, 60 000 manifestants étaient descendus dans les rues de la capitale pour réclamer une « Slovénie sociale ». La mauvaise répartition des fruits de la croissance a aussi eu un impact sur les élections présidentielles, qui ont eu lieu en novembre 2007. Lojze Peterle, le candidat du gouvernement de centre droit en place, s’est fait largement battre par Danilo Turk, candidat du centre gauche.

Du coup, une cohabitation préside aux destinées de ce pays de l’ancienne Yougoslavie. Hugues Sachter, maître de conférences et spécialiste des pays de l’Est, voit aussi dans ce résultat un symbole : « Les Slovènes souhaitent conserver des acquis de son identité titiste », autrement dit de la période où Tito dirigeait la Yougoslavie et développait une voie originale du communisme. Avec la lutte pour un meilleur pouvoir d’achat, celles pour préserver la sécurité sociale, les retraites et combattre le chômage seront donc, pour les Slovènes, aussi au coeur de la manifestation du 5 avril. Incontestablement, les projecteurs seront aussi braqués sur les écarts de salaire et de niveaux de vie, ceux qui existent en Slovénie, comme dans l’ensemble de l’Europe.

Fabien Perrier

Imprimer International - Article paru le 4 avril 2008

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