lundi, juin 23, 2008

Danser sur les malheurs de l’Afrique


Dire de Seun Kuti qu’il est, sur scène, comme un poisson dans l’eau relève presque de l’euphémisme. Elle semble son lieu de vie dans lequel il évolue avec une aisance sidérante pour un jeune artiste (vingt-cinq ans) qui vient de sortir son premier album. Il faut préciser que, dès son plus jeune âge, il l’a habitée, la scène, dans les pas de son illustre père, Fela Kuti, roi de l’afro-beat mort il y a onze ans. Vingt-cinq ans, donc, mais déjà une longue carrière.

Il s’en défend pourtant : « Même si j’ai déjà fait le tour de l’Europe sur scène, ma carrière commence avec cet album. » Accompagné d’Egypt 80, l’orchestre fondé par son père, Seun Kuti sort un premier album, Many Things. « J’ai fait ce choix instinctivement, explique-t-il. Cette décision de jouer avec eux est à la fois un hommage et une continuité logique. » C’est reparti, donc, pour l’orchestre Egypt 80 avec, toujours, un Kuti à sa tête. Et, de l’afro-beat, il conserve les rythmes, mais aussi l’engagement. « L’afro-beat n’est pas un genre musical, c’est aussi un mouvement, une musique qui porte un message. »

Ses thèmes d’inspiration ? Son quotidien. « Je vis au Nigeria, je vois ce qui s’y passe tous les jours, comment les gens vivent. Et je ne peux pas y être insensible. Au contraire : ça m’inquiète. » Alors, Seun Kuti saisit la plume pour dénoncer, sur des sons afro-beat, les travers qui polluent l’Afrique : corruption, arnaques, magouilles, trafics sont sévèrement attaqués. Manque de démocratie et défiance à l’égard du système politique sont visés. « Nous n’avons pas d’élection, mais une sélection » : tel est le credo de Seun Kuti. Alors, avec Many Things, la musique se transforme donc en brûlot politique.

Pourtant, l’album fait danser. Sur scène, ils sont seize musiciens. Percussions, instruments à vent, choeur et une voix, puissante, qui fait passer son message. Pendant ce temps, le public, en transe, écoute les malheurs de l’Afrique. L’histoire se répète, dit en substance le chanteur. Sur scène aussi. Mais là, c’est tant mieux.

Disque. Seun Kuti et Fela’s Egypt 80 : Many Things (Tôt ou Tard).

Fabien Perrier

Article paru le 23 juin 2008

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