Jeanne Cherhal, une artiste tête hors de l’eau
De Jeanne Cherhal, on sait qu’elle a vingt-huit ans, qu’elle fait de la chanson à texte, qu’elle joue du piano, qu’elle a été révélation de l’année aux Victoires de la musique 2005 et qu’elle a sorti en octobre 2006 son troisième album, L’eau (tôt ou tard). On devine ainsi qu’elle se fraye, lentement mais sûrement, un chemin dans le monde de la musique, même si on l’entend peu sur les ondes (trop peu même). Mais d’elle, qui n’est pas du genre à se livrer avec impudeur, que sait-on encore ?
À en croire Je suis liquide, deuxième titre de ce nouvel album et autoportrait en chanson, elle n’est « pas forte », « pas grande », « pas solide », « pas belle », mais elle est « liquide »... À ses yeux, cela signifie « être un peu une éponge ». Et d’ajouter : « C’est le reflet de l’image que je peux avoir de moi, d’une image de quelqu’un pas forcément très "costaud". J’ai l’impression parfois de ne pas avoir les épaules pour supporter les choses ou pour agir. » Pourtant, sur scène, elle semble démentir cette assertion. Elle sort de sa réserve, donne à voir une présence remarquable et une audace rafraîchissante. Sa générosité et son humilité sautent aux yeux dès qu’elle chante ou quand elle remercie le public.
Un peu paradoxale parfois, Jeanne Cherhal ? Sans doute... comme tout un chacun. Et l’Eau semble le confirmer. Si le titre de l’album, la photo de la pochette et la fréquence des allusions aux éléments liquides peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un album concept, elle s’en défend. Et elle a raison. Il révèle une chanteuse qui a pris un virage. À l’écouter de près, ce nouvel opus est aussi bien autre chose que les deux précédents. Elle quitte les descriptions de son quotidien pour parler de sentiments et exprimer ses positions. Elle le reconnaît sans fard : « J’ai l’impression que c’est juste une suite logique de mon angle de vue, de ma façon d’écrire. Là, c’est vrai que je me suis moins attachée à des descriptifs concrets de mon entourage. Je n’ai pas écrit cet album dans un état d’esprit hyperjoyeux. » Pourtant, rien de plombant dans cet album. Au contraire, il est tout en finesse dans le propos, dans les arrangements, comme dans les chants.
L’entendre parler de sa voix douce ne laisserait pas imaginer les jeux vocaux dont elle est capable, de la puissance qu’elle peut dégager sur scène ou dans son album (la Peau sur les os) aux doux acidulés dans lesquels elle s’échappe pour exprimer son point de vue sur le monde qui l’entoure (le Tissu). Ainsi, sur une musique un brin langoureuse, elle parle de la burka et livre « son point de vue particulier, de femme qui vit dans un pays libre, une démocratie, et en général, [est] un peu interloquée quand [elle] croise une femme "grillagée", car ce n’est pas [sa] culture ». Tout en se gardant de porter un jugement moral sur une religion. De même, dans On dirait que c’est normal, elle s’attaque à l’excision, « quelque chose de cruel et d’inhumain » qui « n’est pas une tradition comme une autre ». Retour sur la question de la féminité, centrale chez elle, mais avec plus d’humour, dans Une tonne « sur les métamorphoses qu’on subit quand on tombe amoureux. Et ça m’a amusée en fait de prendre cette image d’une fille obèse mais qui fond quand elle rencontre l’amour », avoue la chanteuse.
Alors, Jeanne Cherhal ne parlerait-elle que de la féminité et ne s’intéresserait-elle qu’aux sujets « féminins » ? En aucun cas ! D’une part, et elle-même le dit : la chanson sur l’excision dépasse « un problème de femmes, c’est un problème de l’humanité ». D’autre part, certaines chansons prouvent plus immédiatement la portée générale de ses réflexions. Comme Frédéric, dédiée à un prisonnier derrière ses barreaux avec lequel elle a entretenu une relation épistolaire par le biais d’une association. Elle a pourtant du mal à en parler : « C’est un engagement hyper-intime pour moi. Ce n’est pas quelque chose dont j’ai tout le temps envie de parler. » Engagement personnel et écriture intime, donc, qui débouchent sur une chanson dans laquelle elle offre avec talent ce qu’elle-même recherche dans celles des autres : « Ce qui m’intéresse chez un artiste, c’est d’avoir son point de vue. » Ainsi, on pourrait appliquer à certains de ses titres la définition qu’elle donne de la chanson engagée : celle « qui, à l’écoute en tout cas, fait percevoir la réalité différemment et qui a peut-être pour résultat de faire réagir ».
Sur des rythmes pop ou ethniques (l’Eau), chacun des treize titres est donc l’expression de ses sentiments ou points de vue. Avec ce troisième album, on en sait un peu plus de Jeanne Cherhal. Et même si elle chante « Oh ! c’est l’eau qui m’attire, oh ! c’est l’eau », on apprécie qu’elle sache garder la tête hors de l’eau.
CD : l’Eau (tôt ou tard).
À en croire Je suis liquide, deuxième titre de ce nouvel album et autoportrait en chanson, elle n’est « pas forte », « pas grande », « pas solide », « pas belle », mais elle est « liquide »... À ses yeux, cela signifie « être un peu une éponge ». Et d’ajouter : « C’est le reflet de l’image que je peux avoir de moi, d’une image de quelqu’un pas forcément très "costaud". J’ai l’impression parfois de ne pas avoir les épaules pour supporter les choses ou pour agir. » Pourtant, sur scène, elle semble démentir cette assertion. Elle sort de sa réserve, donne à voir une présence remarquable et une audace rafraîchissante. Sa générosité et son humilité sautent aux yeux dès qu’elle chante ou quand elle remercie le public.
Un peu paradoxale parfois, Jeanne Cherhal ? Sans doute... comme tout un chacun. Et l’Eau semble le confirmer. Si le titre de l’album, la photo de la pochette et la fréquence des allusions aux éléments liquides peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un album concept, elle s’en défend. Et elle a raison. Il révèle une chanteuse qui a pris un virage. À l’écouter de près, ce nouvel opus est aussi bien autre chose que les deux précédents. Elle quitte les descriptions de son quotidien pour parler de sentiments et exprimer ses positions. Elle le reconnaît sans fard : « J’ai l’impression que c’est juste une suite logique de mon angle de vue, de ma façon d’écrire. Là, c’est vrai que je me suis moins attachée à des descriptifs concrets de mon entourage. Je n’ai pas écrit cet album dans un état d’esprit hyperjoyeux. » Pourtant, rien de plombant dans cet album. Au contraire, il est tout en finesse dans le propos, dans les arrangements, comme dans les chants.
L’entendre parler de sa voix douce ne laisserait pas imaginer les jeux vocaux dont elle est capable, de la puissance qu’elle peut dégager sur scène ou dans son album (la Peau sur les os) aux doux acidulés dans lesquels elle s’échappe pour exprimer son point de vue sur le monde qui l’entoure (le Tissu). Ainsi, sur une musique un brin langoureuse, elle parle de la burka et livre « son point de vue particulier, de femme qui vit dans un pays libre, une démocratie, et en général, [est] un peu interloquée quand [elle] croise une femme "grillagée", car ce n’est pas [sa] culture ». Tout en se gardant de porter un jugement moral sur une religion. De même, dans On dirait que c’est normal, elle s’attaque à l’excision, « quelque chose de cruel et d’inhumain » qui « n’est pas une tradition comme une autre ». Retour sur la question de la féminité, centrale chez elle, mais avec plus d’humour, dans Une tonne « sur les métamorphoses qu’on subit quand on tombe amoureux. Et ça m’a amusée en fait de prendre cette image d’une fille obèse mais qui fond quand elle rencontre l’amour », avoue la chanteuse.
Alors, Jeanne Cherhal ne parlerait-elle que de la féminité et ne s’intéresserait-elle qu’aux sujets « féminins » ? En aucun cas ! D’une part, et elle-même le dit : la chanson sur l’excision dépasse « un problème de femmes, c’est un problème de l’humanité ». D’autre part, certaines chansons prouvent plus immédiatement la portée générale de ses réflexions. Comme Frédéric, dédiée à un prisonnier derrière ses barreaux avec lequel elle a entretenu une relation épistolaire par le biais d’une association. Elle a pourtant du mal à en parler : « C’est un engagement hyper-intime pour moi. Ce n’est pas quelque chose dont j’ai tout le temps envie de parler. » Engagement personnel et écriture intime, donc, qui débouchent sur une chanson dans laquelle elle offre avec talent ce qu’elle-même recherche dans celles des autres : « Ce qui m’intéresse chez un artiste, c’est d’avoir son point de vue. » Ainsi, on pourrait appliquer à certains de ses titres la définition qu’elle donne de la chanson engagée : celle « qui, à l’écoute en tout cas, fait percevoir la réalité différemment et qui a peut-être pour résultat de faire réagir ».
Sur des rythmes pop ou ethniques (l’Eau), chacun des treize titres est donc l’expression de ses sentiments ou points de vue. Avec ce troisième album, on en sait un peu plus de Jeanne Cherhal. Et même si elle chante « Oh ! c’est l’eau qui m’attire, oh ! c’est l’eau », on apprécie qu’elle sache garder la tête hors de l’eau.
CD : l’Eau (tôt ou tard).
Page Web (Parution le 29 décembre 2006)
Libellés : Musique
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