vendredi, février 23, 2007

Découverte de l'Afrique avec Dobet Gnahoré


World music. Atypique, la chanteuse africaine chante les diversités musicales et linguistiques de son continent, loin des sentiers convenus. À découvrir.


Dobet Gnahoré sort un deuxième album, Na Afriki. Elle y chante, en sept langues, les diversités africaines, linguistiques comme musicales. Un voyage enchantant au cours duquel les traditions côtoient l’actualité, et les passions la protestation.

Sur votre deuxième album, vous chantez en sept langues africaines. Pourquoi ?
Dobet Gnahoré. Dans mes albums, je cours après ma tradition. Chanter en différentes langues africaines, c’est aller chercher la tradition perdue, continuer à côtoyer des gens de divers horizons. Dans toute l’Afrique, on me demande pourquoi je ne chante pas en français ou en anglais, les langues enseignées en Côte d’Ivoire. Mais je ne suis ni française, ni anglaise, ni même ivoirienne. Je suis africaine et métisse de toute façon ! Ma mère est ghanéenne, mon père ivoirien. J’ai grandi dans un village panafricain. Je veux valoriser cette diversité et les langues africaines, même si je n’en parle aucune.
Comment faites-vous pour chanter dans ces langues, sur des musiques aussi variées ?
Dobet Gnahoré. J’écris mes textes en français, puis les fais traduire. J’aurais pu demander à un Malien ou à une Ivoirienne de chanter avec moi. Mais ça, ça aurait été « faire du business » ! Là, c’est un travail forcé, mental, dans lequel je m’implique beaucoup. La musique, je l’ai apprise à douze ans. J’ai été élevée en Côte d’Ivoire, au« Village Kiyi », une communauté d’artistes de toute l’Afrique. J’ai commencé par la musique et la danse, puis suis passée aux percussions dans le groupe de mon père. Ensuite, Colin (son mari - NDLR) est venu de France, au village. Nous avons joué ensemble, enregistré un premier disque tout en continuant d’écrire. Et voilà, le deuxième album sort maintenant !
Vous l’ouvrez par un titre qui s’appelle Dala (l’Argent). Pourquoi ?
Dobet Gnahoré. Cette chanson, je l’ai écrite à la gare de Bruxelles : je voulais acheter un sac et la vendeuse m’a dit : « s’il vous plaît, allez dans le magasin en face, vous y trouverez des sacs en plastique ». Ce jour-là, ça m’a particulièrement énervée car j’avais sur moi 250 euros. Parce que je suis noire, elle m’a jetée comme ça. Alors, j’ai pris mon stylo et ai commencé à écrire l’Argent. Pour moi, c’est l’argent qui a tout gâté. Je vois ce que l’argent a fait de moi, ce qu’il fait de nous en ce moment, qu’il amène les guerres. Il n’y a plus de valeurs. Quand tu es riche, on te respecte. Je chante ce que je ressens autour de moi.
Vos chansons traitent de questions de société : place des femmes, des enfants, environnement... Que ressentez-vous sur tous ces thèmes ?
Dobet Gnahoré. La question des femmes est très importante pour moi. En Afrique, certaines sont juges, médecins etc. et elles font tout dans la maison. Mais on ne leur a pas encore laissé la liberté de s’exprimer librement. Elles ne sont pas assez mises en valeur. Je veux donner une image actuelle des femmes africaines.
Vous qualifieriez-vous d’artiste engagée ?
Dobet Gnahoré. Oui, par exemple dans Massacre, qui parle de la guerre à Abidjan, ou dans Djiguene (Femme). Mais quand je chante la polygamie, ce n’est pas en mal, mais pour en rigoler un peu. C’est un peu ironique. Si les femmes avaient plusieurs hommes... (rires) Eux ont tout pour eux, mais pas les femmes. Inceste aussi est engagée. Quand j’entends ces enfants me raconter leur histoire, ce qu’ils ont vécu, j’ai envie d’écrire. Ce sont mes sentiments que j’écris. En tant qu’artiste, tout ce que je reçois, je l’écris. Et plus je l’écris, plus je suis libérée. J’ai toujours mon cahier au pied de mon lit !
C’est contraire à la tradition africaine, qui est plutôt orale...
Dobet Gnahoré. C’est vrai. Mais quand tu es loin de chez toi, la seule chose que tu peux faire pour te libérer, c’est écrire. Alors, j’écris ce que je pense.

Entretien réalisé par Fabien Perrier


Son Afrique, belle et rebelle


Na Afriki signifie mon Afrique. Celle de Dobet Gnahoré, entre modernité et traditions. En quinze morceaux, l’artiste nous emmène dans un voyage sonore et une réflexion musicale. Par les sept langues, reflet de la diversité linguistique africaine. Par les rythmes, calmes ou rapides, ballades ou rumbas. Par les instruments, des quatre coins du continent. Sans oublier la voix puissante et chaude, qui sait se faire tendre ou vindicative. Bref, tout un éventail d’harmonies sur un album très réussi. Cette ouverture musicale n’est pas sans rapport avec l’histoire de Dobet Gnahoré. Elle a vécu toute sa vie dans le « Village Kiyi », une communauté d’artistes africains, créé par une Camerounaise, Wéré Wéré Liking, qui fonde aussi le groupe Kiyi Mbock auquel Dobet Gnahoré dédie d’ailleurs une chanson Yekiyi. « C’est vraiment le plus beau moment de ma vie ! » avoue-t-elle. À noter aussi Pillage, analyse de la situation politique de certains pays africains écrite par son mari, Colin Laroche de Féline.
Dates de tournée sur : www.dobetgnahore.com
Na Afriki
, Dobet Gnahoré (Contre jour)


Articles parus dans l'édition du 23 février 2007

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2 réponse de palourde:

Blogger Calamar kadi...

Tant que nous ne sommes pas morts et remorts, tout va!

mer. févr. 28, 01:23:00 PM 2007  
Blogger Calamar kadi...

Je ressuscite mais doute et redoute!

jeu. mars 01, 12:50:00 AM 2007  

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