lundi, avril 07, 2008

Les travailleurs européens unis pour le pouvoir d’achat

Ljubljana (Slovénie), envoyé spécial.

Samedi 5 avril, dans les rues de Ljubljana, la capitale slovène, la diversité était de surface : mélanges de couleurs, de langues ou de drapeaux des quatre coins de l’Europe. Mais, l’unité était véritable : les salariés européens, de 55 syndicats et 29 pays, étaient venus manifester pour une amélioration de leur pouvoir d’achat et de meilleures conditions de travail, à l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES). Les slogans témoignaient de cette unité sur tout le parcours de l’Euromanifestation qui a regroupé plus de 40 000 personnes (10 000 selon la police).

« En avant pour une Europe sociale ! »

Les Belges de la CSC, par exemple, répondaient en choeur aux questions de leur leader : « Est-ce que vous êtes prêts pour une Europe sociale ? OUI ! Contre une Europe du capital ? OUI ! » puis, après un bref surplace, se lançaient dans une course effrénée dès que leur leader affirmait : « En avant pour une Europe sociale ! » Chanson, aussi, dans les rangs de la CGT qui avait délégué une centaine de militants. Et les banderoles, quelle que soit leur langue, étaient claires : « Sauvons le pouvoir d’achat et la solidarité », « Augmenter les salaires, une priorité pour les travailleurs européens », « More for the workers, not only for the top » (plus pour les travailleurs, pas seulement pour les dirigeants)…

Du côté des délégations venues de l’est de l’Europe, les revendications étaient, bien entendu, similaires. Silvio Botta, un salarié de l’entreprise Delphi, équipementier automobile qui fournit de nombreuses marques de voitures, explique que son salaire lui suffit à peine à payer son loyer. Et il ajoute aussitôt qu’un souci fondamental le préoccupe : « J’ai de gros problèmes avec la direction de l’entreprise. Nous sommes constitués en syndicat depuis 2007, mais elle ne nous autorise pas dans l’usine. Ce problème se pose dans les deux sites que le groupe a en Roumanie… » Le syndicaliste insiste sur ce point qui l’inquiète : « l’état de la démocratie ».

Cette question revient régulièrement dans la bouche des participants. Joël Decaillon, secrétaire confédéral de la CES, précise ainsi que cette manifestation a été organisée pour « dire à l’UE qu’il faut revoir la répartition des richesses, car les inégalités explosent. C’est une situation inacceptable qui conditionne l’avenir de l’Europe et de sa démocratie ». « Nous avons un nombre de plus en plus important de salariés pauvres en Europe. Il faut donc de meilleurs salaires, mais aussi de meilleurs emplois. »

ceux qui gagnent toujours plus

Pendant ce temps, pourtant, réunis à quelques kilomètres de là, les ministres européens des Finances viennent d’achever une réunion de deux jours, pendant laquelle, de concert avec la Banque centrale européenne (BCE), ils ont appelé à la modération salariale. Le commissaire européen aux Affaires économiques, l’Espagnol Joaquin Almunia, a même précisé que « les hausses des salaires devraient dépendre des gains de productivité réalisés » et ne pas aller au-delà, cherchant visiblement à calmer les ardeurs revendicatives des travailleurs européens.

En fin de manifestation, sur la place des Congrès de Ljubljana, le président de la ZSSS, fédération slovène des syndicats libres, a dénoncé ceux qui gagnent toujours plus au détriment des travailleurs qui vivent toujours moins bien. Bernard Thibault lui a emboîté le pas et a constaté : « Si on écoute les ministres, si on écoute les employeurs, ce n’est jamais le bon moment pour augmenter les salaires dans tous les pays européens. Tantôt on nous explique que ça va mal, tantôt que ça va bien, mais que ce n’est toujours pas le bon moment pour augmenter les salaires ! » Ou encore John Monks, le secrétaire général de la CES, a vilipendé les écarts qui ne cessent de se creuser entre les riches et les pauvres. Avant de reprendre la route, un concert où résonnèrent « Bella Ciao », « Hasta siempre, Commandante », « Bandiera rossa » a permis aux salariés européens de continuer à échanger. Et de se promettre de se revoir au plus vite pour que le rapport de forces, manifeste à Ljubljana, porte ses fruits.

Fabien Perrier

Imprimer International - Article paru le 7 avril 2008

Monde

« Les ministres des Finances européens ont échoué »

Michaël Sommer est président de la confédération syndicale allemande DGB.

Quelle est la situation sociale en Allemagne ?

Michaël Sommer. Le nombre de chômeurs a baissé. Pour la première fois depuis des années, nous obtenons des augmentations de salaires dans différents secteurs. Mais d’un autre côté, nous voyons croître le nombre de précaires, notamment celui des intérimaires, et augmenter le nombre de « working poors », c’est-à-dire de personnes qui ne peuvent pas vivre des revenus de leur travail, y compris lorsqu’elles travaillent à temps plein : ils sont plus nombreux que les habitants de Slovénie (la population slovène est de 2 millions - NDLR). La situation évolue donc dans deux directions opposées : d’un côté, le développement économique positif et une évolution sociale plus favorable, de l’autre côté, les plus pauvres continuent à perdre. Les revenus du patrimoine prennent le pas sur les revenus salariaux.

Comment avez-vous accueilli les déclarations du président de la BCE ?

Michaël Sommer. Je rejette tout simplement l’ingérence de Jean-Claude Trichet dans les négociations tarifaires allemandes. Il y a, en Allemagne, ce que l’on appelle l’autonomie tarifaire et ni la Banque allemande ni le gouvernement ne s’immiscent dans les négociations.

Qu’attendez-vous du Conseil des ministres des Finances européens ?

Michaël Sommer. Rien de bon ! Le Conseil devrait vraiment agir en faveur de l’harmonisation fiscale en Europe. Mais là, ils ne font rien ! Ils parlent des salaires au lieu de remplir leurs tâches. Ils devraient trouver une régulation des marchés financiers afin que des crises telles que celles des subprimes ne se reproduisent pas. Je crois qu’ils ont échoué. C’est d’ailleurs ce que nous avons dit au premier ministre slovène (1) avec lequel nous avions rendez-vous.

(1) La Slovénie a, depuis janvier

et jusqu’à la fin du mois de juin,

la présidence de l’Union européenne.

Entretien réalisé par F. P.

Imprimer International - Article paru le 7 avril 2008

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