Splendide utopie mise en tango
Argentine. Le nouvel album de Juan Carlos Caceres, Utopia, est une étape supplémentaire dans l’histoire du tango qu’il explore au fil de ses albums.
Ne parlez pas du "tango traditionnel" à Caceres. Ne lui dites pas non plus qu’initialement, le tango se dansait entre hommes. L’artiste vous rétorquera, un brin agacé, "des idées reçues !", avant de leur tordre le coup avec ferveur.
"À l’origine, cette musique est un métissage spontané produit par différents peuples qui se sont rencontrés sur les bords du Rio de la Plata : "des anciens" d’Amérique du Sud, des migrants d’Europe - carbonari italiens, communards français - des esclaves noirs." Et de poursuivre : "Le tango dansé apparaît avec les danses de couple européennes, comme la valse. Dans les faubourgs, des gens vont se retrouver pour danser sur n’importe quel rythme. Les Blancs vont épier et copier les danseurs noirs. Face à la concurrence, à l’agilité et à la grâce des Noirs, les hommes dansaient parfois entre eux pour s’entraîner et ne pas faire mauvaise figure" face aux femmes.
Déconstruire les clichés comme "l’image officielle et commerciale" du tango, expliquer qu’il n’y a pas d’histoire linéaire et simple, voilà ce qui lui tient à coeur. Et l’Argentin Juan Carlos Caceres, débarqué à Paris en mai 1968, s’y emploie de tout son art, de tous ses arts plus exactement : historien, peintre, musicologue, musicien et chanteur, professeur et conférencier
enfin, tout est bon pour "passer un message". "À travers la continuité de mes CD, je raconte l’histoire oubliée, voire niée", explique-t-il. Celle qui sort de l’histoire officielle et qui intègre la critique sociale.
Avec son nouvel opus, Utopia, le chanteur, pianiste et joueur de trombone fait une musique populaire et le revendique. Il s’inspire de la murga, genre musical qui régnait dans les fêtes populaires de rue nées au XIXe siècle en Amérique du Sud ; les gens y défilaient en cortège, en chantant et en dansant ensemble. "C’est une grande tradition d’une certaine partie du tango", interdite pendant la dictature argentine, mais qui renaît aujourd’hui, "depuis 2001, comme contestation de la mondialisation". Utopia arrive donc à point nommé. "Par les temps qui courent, il y a un boulevard pour l’utopie, précise Caceres, il faut aller au fond des choses." Lui le fait sur les différents rythmes du tango : milonga, candombe et habanera. Son album est une référence à cette histoire reniée de l’Argentine, un regard sur le passé et ses liens avec le présent, et "comme toujours un constat" sur le monde qui l’entoure. "J’utilise le contexte historico-social de l’Argentine ; il n’est pas du tout local mais universel." Ainsi, Caminando est le fruit d’une promenade qu’il effectuait sur une avenue de Buenos Aires, massacrée aujourd’hui, d’où le "Petit Café", lieu de sa jeunesse, a disparu pour laisser place aux boutiques de luxe dont il se moque. Buenos Aires rappelle là bien d’autres capitales. Son Tango Negro est une touche d’humour : après ses concerts, les spectateurs lui disaient que sa musique était "antidépressive". En chanson, il invite donc à remplacer les "pilules" par le tango. Il met du baume au coeur et dépasse largement l’image traditionnelle, préfabriquée dont cette musique souffre. Au son du piano, des flûtes, des clarinettes, des cuivres et des grosses caisses de fanfare, Caceres a réussi, en tout cas, à réaliser une superbe Utopia.
Caceres, Utopia (Manana/Naïve).
Caceres participe au Gotan Project : Lunatico (Barclay-Universal).
Toutes les dates de concert sur :
http://www.mananamusic.com/
Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 15 juin 2007.
Ne parlez pas du "tango traditionnel" à Caceres. Ne lui dites pas non plus qu’initialement, le tango se dansait entre hommes. L’artiste vous rétorquera, un brin agacé, "des idées reçues !", avant de leur tordre le coup avec ferveur.
"À l’origine, cette musique est un métissage spontané produit par différents peuples qui se sont rencontrés sur les bords du Rio de la Plata : "des anciens" d’Amérique du Sud, des migrants d’Europe - carbonari italiens, communards français - des esclaves noirs." Et de poursuivre : "Le tango dansé apparaît avec les danses de couple européennes, comme la valse. Dans les faubourgs, des gens vont se retrouver pour danser sur n’importe quel rythme. Les Blancs vont épier et copier les danseurs noirs. Face à la concurrence, à l’agilité et à la grâce des Noirs, les hommes dansaient parfois entre eux pour s’entraîner et ne pas faire mauvaise figure" face aux femmes.
Déconstruire les clichés comme "l’image officielle et commerciale" du tango, expliquer qu’il n’y a pas d’histoire linéaire et simple, voilà ce qui lui tient à coeur. Et l’Argentin Juan Carlos Caceres, débarqué à Paris en mai 1968, s’y emploie de tout son art, de tous ses arts plus exactement : historien, peintre, musicologue, musicien et chanteur, professeur et conférencier
enfin, tout est bon pour "passer un message". "À travers la continuité de mes CD, je raconte l’histoire oubliée, voire niée", explique-t-il. Celle qui sort de l’histoire officielle et qui intègre la critique sociale.
Avec son nouvel opus, Utopia, le chanteur, pianiste et joueur de trombone fait une musique populaire et le revendique. Il s’inspire de la murga, genre musical qui régnait dans les fêtes populaires de rue nées au XIXe siècle en Amérique du Sud ; les gens y défilaient en cortège, en chantant et en dansant ensemble. "C’est une grande tradition d’une certaine partie du tango", interdite pendant la dictature argentine, mais qui renaît aujourd’hui, "depuis 2001, comme contestation de la mondialisation". Utopia arrive donc à point nommé. "Par les temps qui courent, il y a un boulevard pour l’utopie, précise Caceres, il faut aller au fond des choses." Lui le fait sur les différents rythmes du tango : milonga, candombe et habanera. Son album est une référence à cette histoire reniée de l’Argentine, un regard sur le passé et ses liens avec le présent, et "comme toujours un constat" sur le monde qui l’entoure. "J’utilise le contexte historico-social de l’Argentine ; il n’est pas du tout local mais universel." Ainsi, Caminando est le fruit d’une promenade qu’il effectuait sur une avenue de Buenos Aires, massacrée aujourd’hui, d’où le "Petit Café", lieu de sa jeunesse, a disparu pour laisser place aux boutiques de luxe dont il se moque. Buenos Aires rappelle là bien d’autres capitales. Son Tango Negro est une touche d’humour : après ses concerts, les spectateurs lui disaient que sa musique était "antidépressive". En chanson, il invite donc à remplacer les "pilules" par le tango. Il met du baume au coeur et dépasse largement l’image traditionnelle, préfabriquée dont cette musique souffre. Au son du piano, des flûtes, des clarinettes, des cuivres et des grosses caisses de fanfare, Caceres a réussi, en tout cas, à réaliser une superbe Utopia.
Caceres, Utopia (Manana/Naïve).
Caceres participe au Gotan Project : Lunatico (Barclay-Universal).
Toutes les dates de concert sur :
http://www.mananamusic.com/
Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 15 juin 2007.
Libellés : Musique
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