dimanche, mars 06, 2011

Air du temps

C'est la fin de la saison des clémentines. Mais après un hiver révolutionnaire sur l'autre rive de la Méditerranée, là d'où viennent souvent ces succulentes clémentines, de quoi aura l'air notre printemps européen? Qui sait... En tout cas, une chose est sûre: si les statistiques sont la météo des révolutions, la vague de contestation pourrait traverser la Mare Nostrum.
Chômage? Explosif. Pauvreté? Endémique. Mécontentement? Evident.
Oui mais voilà, la contestation aurait trouvé des relais là où elle sera la moins bien portée. Selon un sondage réalisé par l'institut Harris Interactive pour Le Parisien, Marine Le Pen arriverait en tête du 1er tour des élections présidentielles, s'il avait lieu dimanche prochain, et si les candidats des "deux grands partis" (PS et UMP) étaient Martine Aubry et Nicolas Sarkozy. Et si, aussi, la campagne avait réellement commencé. Et si, encore, il était assuré que ce soit ces personnalités qui se présentent. Et si, et si, et si...
La liste des "si" en dit déjà long sur la valeur même de ce type d'exercice. Trop d'inconnues obligent à la mettre en question. S'il est inquiétant de voir que la nouvelle star d'extrême-droite gratifiée de tant de succès, c'est plutôt sur la stratégie des médias qu'il faut s'interroger. A quoi sert, aujourd'hui, de faire monter la peur en agitant ce blond épouvantail?
Sans doute, justement, à désamorcer la contestation qui croît. Car pendant ce temps, nul n'aborde les questions de fond... Le chômage et ses causes, la pauvreté et ses conséquences... Qui furent les ingrédients de la montée d'autres partis xénophobes à des époques plus anciennes.
Retour, alors, sur l'Histoire. En 2002, Dominique Strauss-Kahn, invité par des étudiants de Sciences Po, expliquait dans l'amphi Boutmy: "je ne comprends pas, dans les autres pays européens, l'alternance se passe bien"... Ah, la belle affaire. La Gauche venait de se faire balayer, mais au lieu, déjà, de s'interroger sur les causes de cet échec, lui ne voyait qu'un petit accroc dans le tissu démocratique. C'était pourtant déjà une déchirure profonde entre un peuple qui n'avait pas eu le sentiment de voir ses aspirations assouvies (revalorisations salariales, créations d'emplois, fin des "affaires", amélioration du niveau de vie...) et un gouvernement qui s'était satisfait de mesures se fondant sans problème dans le moule néo-libéral. Que ne contestait pas un DSK, qui allait d'ailleurs devenir grâce au soutien sans faille de Nicolas Sarkozy, Directeur du FMI.
Premier problème donc: à quoi sert de voter à Gauche si elle ne relaie pas la contestation sociale? si elle ne répond pas aux aspirations populaires?
Ce serait malheureusement trop beau de s'arrêter. Car il y a un sacré problème: l'abandon de "l'idée européenne". Certes, certains diront: "l'Europe sociale n'existe pas" (à lire: http://www.medelu.org/spip.php?article227). Si l'argumentation de ces auteurs est très étayée, admettons que l'on puisse contester leur thèse fondamentale: l'Europe n'est pas un produit de la classe dominante pour enfoncer les plus pauvres. Reconnaissons cependant que le rapport de forces ne joue aujourd'hui pas en la faveur de la classe travailleuse. D'où le deuxième problème: que voulons-nous faire de l'Europe et quel est le projet européen des dirigeants. Aïe. Ce qui se passe en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Portugal, en Roumanie... n'est pas de bon augure. Mais de nouveau, ce n'est pas en ayant comme proposition essentielle soit une sortie de l'Europe - comme la nouvelle blonde égérie des démons racistes le professe - ou en gobant l'idéologie dominante - comme le Docteur Maboul du FMI la développe que l'on pourra s'en sortir. Là encore, plus que des sondages, des débats de fond sont nécessaires. Qui obligeraient cependant à montrer que certains, comme DSK et Sarko, n'ont pas de vision fondamentalement différente. Et si, c'était là, une troisième raison de ces sondages administrés sans cesse: éviter les questions qui fâchent.
C'est la fin de la saison des clémentines. "Un jour pourtant, un jour viendra, couleur d'orange..." prédisait Aragon. Le soleil brille mais l'humeur est grise. Par chance, un temps arrive, celui des cerises. Gagnera-t-il la rue?
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