vendredi, février 29, 2008

Actualisation

Voilà un sacré bout de temps que le calamar, la tête sous l'eau, n'avait pas pris le temps de rédiger quelques lignes. Autant dire que ce blog risquait d'être envahi sous les eaux professionnelles et donc peu propices au libre cours des pensées. L'avantage d'un vendredi soir passé dans son nid douillet, c'est que l'on peut vaquer à différents activités habituellement mises de côté. Calamar, lui, a choisi de reprendre du clavier de ses petites pattes musclées. Dans les histoires à compter, certaines ne se racontent pas sur un lieu public. Donc, tant pis pour les anecdotes professionnelles. En revanche, donner des nouvelles à Davy Crockett et sa Mary, ainsi qu'à Davy Crockett Jr., dit aussi Victor, partager une humeur avec Clairounette et Sylvano, dire deux ou trois mots à Soeurette qui, entre deux entretiens et préparations de cours, trouve un peu de temps pour s'égarer ici, voilà ce à quoi le blog sert. Servir des humeurs sans suite.
Ce soir, c'est notre très vénéré Président qui m'inspire. Tout le monde a remarqué ses qualités d'orateur lors de discours divers et variés. Ou apprécié ses capacités à répondre aux journalistes au cours de conférences de presse diverses et variées. Ou encore, noté son audace majeure, celle qui a consisté à "relancer" l'Europe, prétendument en panne, alors qu'en fait, le processus décisionnel ne se portait pas si mal que ça - et ce n'est pas moi qui le dit, mais un groupe de farouches défenseurs du "Oui" au Traité constitutionnel de 2005 (par là). Référendum qu'il, le très vénéré, a soigneusement balayé d'un revers de manche sacrément méprisant en faisant passer, en douce, un traité "simplifié" qui reprend tout ce que les Français avaient refusé deux ans plus tôt. Mépris n°1.
Le tout-puissant ne saurait s'arrêter là. Lorsque l'Institution suprême de notre République, le Conseil Constitutionnel, retoque la loi qu'il souhaite faire passer - car, contrairement à sa promesse électorale de redonner du pouvoir d'achat aux français, il est des lois qui doivent, à ses yeux, lui rapporter plus - il décide là-encore de passer outre en demandant à l'institution concurrente... de proposer une façon d'appliquer la loi, coûte que coûte. Mèpris n°2. Celui des institutions, de la Constitution, et aussi du peuple qui a, en ce Conseil Constitutionnel, le garant de la Constitution, donc le garant du bon équilibre des pouvoirs dans la société (pour aller vite).
Jusqu'alors, effectivement, les mépris n'étaient formulés que dans une parole saine, qui se tenait. En langage châtié. Puis, la liste pourrait être allongée: culture, laïcité, éducation, mémoire etc., peu à peu, toutes les sphères sont touchées. Mais voilà, peu à peu, ce même tout puissant révèle son vrai visage: mépris, bien entendu, accompagné d'une bonne dose de mauvaise foi, comme le révèle les vidéos ici présentes (un clic et ops!). Une fois de plus, il réussit à faire parler de lui. Le problème, c'est qu'au lieu de résoudre les problèmes des Français, à toutes les échelles, et quelque soit le moment, il révèle la seule chose qui l'intéresse: la conquête du pouvoir, qui vire chaque jour un peu plus au déni de démocratie. Ce qui ne manque de rappeler les plus troubles périodes de l'histoire.

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vendredi, février 22, 2008

Raul Paz, hors des cases et loin des clichés

En vivo est un opus plein de vie où les cuivres et les percussions renforcent l’atmosphère chaleureuse, souvent entraînante, qui se dégage de chaque album de Raul Paz. Au cours d’un séjour pour quelques concerts à Cuba, l’artiste a enregistré cet album « best of ». Inattendu, tant les clichés qui circulent sur l’île sont nombreux. Qui eût dit, en effet, qu’il puisse s’y produire, lui qui a été persona non grata pendant quelques années ? Et pourtant, il en revient avec cet album ébouriffant. Un comble sans doute, pour ce chevelu poète. Ou alors le témoignage d’une société qui s’ouvre comme le laissent à penser ses commentaires dans le DVD du coffret. Lui qui refuse les cases, en musique comme en politique, semble prouver au moins une chose : l’ouverture musicale est possible. Et si l’art révélait l’état d’une société ?

Pourquoi avoir enregistré ce CD à Cuba ?

Raul Paz. Depuis des années, je représente une certaine cubanité : je fais une carrière européenne en tant que « chanteur cubain ». Or, depuis quinze ans, je n’avais pas pu jouer à Cuba pour différentes raisons. C’était un besoin : fermer la boucle en jouant à la maison. Au même moment, le ministère de la Culture cubaine m’a invité à m’y produire sur scène. J’ai convaincu tout le monde, la maison de disques, le producteur, etc. Un an et demi après, nous y étions !

Vous n’aviez jamais « pu jouer à Cuba, pour différentes raisons ». Lesquelles ?

Raul Paz. Cuba est un pays différent. En général, je n’aime pas trop parler de politique. Quand je suis parti étudier en France, j’ai été considéré comme persona non grata sans savoir pourquoi. Du coup, je suis rentré dans une espèce de « mécanisme diabolique » : d’abord je n’avais plus le droit de rentrer, puis j’ai eu le droit d’y aller en touriste. Et pour ce concert, malgré la proposition du ministre de la Culture, je n’avais pas de permis pour y jouer officiellement. Nous avons dû effectuer des démarches : ça a mis un peu de piment ! En tout cas, je n’allais pas à Cuba pour faire de la politique.

Aujourd’hui, vous y retournez en touriste ?

Raul Paz. Oui ! Mes parents y vivent. Et je peux y aller deux fois dans l’année.

Est-ce pour cela que vous ne voulez pas vous exprimer sur Cuba ?

Raul Paz. Non ! Aujourd’hui, je n’ai pas l’impression de ne pas pouvoir m’exprimer comme je veux. On n’en est plus là ! Mais je ne veux pas rentrer dans une polémique. Depuis cinquante ans, Cuba vit divisé en deux : ceux qui sont pour, ceux qui sont contre. Cette division n’a servi à rien, sauf à faire couler de l’encre aux journalistes ! Ce qui ne nous a pas beaucoup aidés, sinon à nous éloigner chaque fois un peu plus les uns des autres. Tu es bon ou mauvais, pro-Américain ou pro-Fidel… On entre dans des cases que je déteste. Cuba est un pays plein de paradoxes, c’est comme ça qu’il faut le vivre. Ce serait plus honnête de discuter de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas. On nous a enlevé des choses à Cuba, mais on nous en a appris d’autres. J’appartiens, je pense, à une génération qui ne vit plus dans cette polarité « pour ou contre », qui n’en a plus envie.

Quelle est la musique cubaine aujourd’hui ?

Raul Paz. Je suis arrivé en France en pleine « Buena Vista Social Club-mania ». D’une façon un peu rebelle, un peu naïve, j’ai tout fait pour m’en démarquer, pour révéler d’autres facettes musicales de mon pays, pour montrer que j’appartenais à une jeunesse qui avait d’autres façons de voir la musique, hors des cases, de voir la vie même. À Cuba, même si la jeunesse est parfois interdite de certaines choses, elle produit des créations très intéressantes. Au niveau musical, par exemple, La Havane a un festival de rap, un autre de rock. C’est là que j’ai connu la musique électronique faite par des Cubains, à dix-sept ans - en pleine période spéciale, quand c’était le plus dur ! J’ai été accusé de ne pas être cubain, ou pas vraiment cubain. Au début, je ne trouvais pas de maison de disques car je ne représentais pas une image cliché ! Paradoxalement, une maison américaine a signé avec moi à cette époque.

Quels thèmes abordez-vous dans vos chansons ?

Raul Paz. J’aime bien l’image du troubadour qui raconte des histoires, ce que sont la plupart de mes chansons. Je peux parler d’amour comme de solitude, de distance ou de joie… Elles racontent un quotidien qui révèle une façon d’être, de dire les choses avec beaucoup d’ambiguïté. J’aime beaucoup l’ambiguïté. Il n’y a pas une chanson plus ambiguë que Revolucion par exemple. Les pro-Cubains virulents, de France ou d’ailleurs, m’ont un peu accusé de faire une chanson anti-Cuba, et au même moment les Cubains en tournent un clip pour la télé. Ça me plaît que chacun se fasse sa propre idée de l’histoire, comme dans les livres de Cortazar.

La chanson conduit-elle à la réflexion ?

Raul Paz. Elle est un vecteur pour partager, communiquer, débattre et réfléchir. Je suis plus attiré par la réflexion que par le matraquage de ce qu’il faut croire ou pas. Ça m’amuse énormément que les Cubains prennent ma musique comme un acte patriotique et les autres comme un acte anti-cubain. C’est très bien comme cela. En jouant à Cuba, j’ai réussi à atteindre le public. C’est ce qui nous a manqué à Cuba : on nous a toujours enfermés dans des clichés, en tout cas ces dernières années. Nous sommes même parvenus à chanter des chansons comme Marijuana, qui ne parle pas seulement de drogue, mais aussi de la différence entre les êtres, de l’acceptation, etc. Certes, quand ils ont retransmis le concert à la télé, ils ont enlevé cette chanson comme une autre, Policia. Mais nous avons pu les jouer.

Cette censure dont vous parlez n’existe-elle pas dans toutes les sociétés ?

Raul Paz. Évidemment. Y compris dans celles dites des droits de l’homme, libres, etc. Elle est même extrêmement frappante depuis quelque temps. Voilà pourquoi quand il y a censure à Cuba, je ne veux pas l’utiliser et dire « vous voyez, ce sont des méchants ». Je ne suis pas là pour ça, mais pour réunir un maximum de gens, les faire réfléchir, et au moins leur donner un moment de communication pour que chacun fasse sa vie et que chacun ait le droit - qui nous a manqué plus que toute autre chose - de décider d’accepter ou de ne pas accepter.

Un chanteur doit-il être engagé ?

Raul Paz. Pas de la façon dont on l’entend « officiellement », d’un côté ou d’un autre ! Il doit être engagé avec soi-même, avec ce qu’il connaît, ses traditions. Nous ne sommes ni tout blanc ni tout noir, mais pleins de paradoxes. En tout cas, j’essaie d’être honnête avec moi-même.

Album En Vivo - CD-DVD Live, Naïve.

Entretien réalisé par Fabien Perrier

Article paru le 22 février 2008

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vendredi, février 01, 2008

Le b.a.-ba de Samarabalouf

Samarabalouf ! Que cache ce nom qui claque et marque les esprits ? Un joyeux trio composé de François Petit à la guitare, Luc Lambry à la contrebasse et Pierre Margerin à la guitare rythmique. Un trio tout droit venu du pays de Samara (nom latin de la Somme), adeptes du balouf (bal fou en verlan). Et, dans leurs compositions comme sur scène, le combo met le feu, mêlant allégrement jazz manouche au swing musette, flirtant alternativement avec la rumba, la java, le boogie voire le rock. Bref, ils offrent une musique des mélanges, où, jusqu’alors, seuls les instruments déterminaient les sentiments. À l’écoute de leur nouvel opus Bababa, la voix féminine qui vient chatouiller les oreilles avant même que les premiers sons des cordes ne les atteignent est donc inattendue. Quoique. Après avoir coopéré avec Agnès Jaoui et Loïc Lantoine, les trois compères ont rencontré Ange B, des Fabulous Trobadors, et ont eu l’envie « de faire un autre travail, sur la voix, sans chanson ». Défi relevé : le trio continue de « raconter des petites histoires en musique ». Rien n’est dit explicitement, tout est suggéré musicalement. L’émotion passe : humour, amour, amitié, joie, et parfois un brin de nostalgie s’enchaînent. Avec ce Bababa, Samarabalouf démontre que, sur scène comme sur les albums, un groupe peut être artisan de la musique, de A à Z, hors des sentiers battus.

Samarabalouf, Bababa (f2fmusic/L’Autre Distribution). À l’Européen (Paris) jusqu’au 2 février. Autres dates sur www.samarabalouf.com

Fabien Perrier

Article paru le 1er février 2008

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