vendredi, juin 29, 2007

Le blues résistant de Zachary Richard

Album . Le chanteur louisianais francophone, Zachary Richard, sort Lumière dans le noir, un album lumineux malgré la gravité des thèmes abordés. Rencontre.
Zachary Richard, cinquante-sept printemps et quelques albums (dont le fameux Travailler, c’est trop dur), a profondément été meurtri par l’ouragan Katrina. En français, il exprime ses révoltes et nous parle de ses combats, de la francophonie à l’environnement.
Votre nouvel album est très ancré dans l’actualité.
Zachary Richard. Pour écrire, je suis tributaire de l’inspiration. Il m’arrive qu’un rêve, l’amour ou la peine d’amour, donne une chanson. C’est le cas pour Ma maison étrangère, Mama Luna. Et parfois, il y a des accidents de parcours. Comme quand, à Paris, je vois, dans un documentaire bouleversant, des témoignages des rescapés du génocide rwandais. J’ai transcrit le texte quasiment mot pour mot. Cet après-midi-là, j’avais déjà une mélodie en tête. Alors, j’ai fait Ô Jésus, même si initialement je n’avais pas l’intention d’écrire sur ce sujet. Ensuite, 2005 a été une année très difficile d’où une certaine mélancolie. Enfin, si les mélodies me viennent assez facilement, il m’est plus difficile de trouver un sujet qui mérite que j’en parle. Je deviens de plus en plus exigeant quant au texte. Et je ne suis pas suffisamment prolifique pour abandonner une chanson, même si le sujet est trop lourd !
Vous éprouvez donc le besoin de vous exprimer par la chanson ?
Zachary Richard. Oui, même si c’est d’abord l’émotion qui compte. Quand la chanson peut avoir une ampleur qui dépasse le divertissement, je suis doublement satisfait. Seule m’importe la qualité de la chanson : son texte, sa mélodie, son interprétation et la production qui met le tout en valeur. Le sujet est secondaire. Sur cet album, je parle de sujets durs comme Beyrouth, la pollution, le Rwanda ou l’ouragan Katrina. Mais il y a toujours une lumière dans le noir, dans toutes les épreuves. Je n’ai pas la prétention de penser que grâce à une chanson, on va arrêter le génocide, mais elle est une sensibilisation.
Que représente pour vous la culture francophone ?
Zachary Richard. Je suis américain, anglophone de formation, d’éducation et de culture. Mes grands-parents, qui appartenaient à la dernière génération monolingue francophone de la Louisiane, étaient mon attache à la francophonie. En 1900, 85 % de la population du sud-ouest de la Lousiane était monolingue francophone, en 1950, 50 %, et aujourd’hui moins de 12 %. Alors, par amour pour eux, j’essaye de développer ma maîtrise de la langue française, écris et lis en français. Mais en Louisiane, c’est difficile de faire un achat sans parler anglais.
C’est une lutte quotidienne que de ne pas parler anglais ?
Zachary Richard. Une lutte, oui. Mais pas quotidienne, ce serait bien trop fatigant ! Il y a une volonté réelle de préserver la langue mais, malheureusement, pas beaucoup de moyens. Une question se pose : quels aspects de la culture pourrons-nous transmettre sans la langue ? La culture musicale, la tradition de joie de vivre, une vision du monde typiquement latine, française, un style de vie ? Sans la langue, nous risquons de perdre un grand bout de notre identité. Cette question sera réglée par une prochaine génération.
Que signifie alors le fait de chanter en français ?
Zachary Richard. Je suis francophone militant depuis longtemps. J’appartiens à une minorité : toutes les communautés francophones d’Amérique du Nord, même au Québec, sont dans une situation fragile. Il est tout à fait imaginable que le français disparaisse du Québec d’ici quelques générations. Vivre dans une situation minoritaire renforce notre engagement. En même temps, je suis aussi auteur et compositeur de langue anglaise et fier de l’être. Je vis pleinement là-dedans, sans conflit culturel. En anglais, j’ai beaucoup plus de possibilités d’exprimer une espèce de légèreté. Le français me donne quelque chose que je ne voudrais jamais perdre : une possibilité de résister. Enfin, je veux éviter que cet héritage divague vers le folklore. Le plus grand danger en Louisiane est que l’on devienne des espèces de caricatures de nous-mêmes, avec nos vieilles chansons d’antan. Nous allons tout faire pour empêcher que le rouleau compresseur de la culture américaine nous passe dessus. Dans mes spectacles, y compris à Québec ou en France, je vais toujours chanter un peu en anglais et aux États-Unis, je vais toujours chanter un peu en français.
L’ouragan Katrina a-t-il changé la perception de la question environnementale aux États-Unis ?
Zachary Richard. Malheureusement non ! La classe politique n’a pas osé prendre les décisions qui s’imposent pour sauvegarder la communauté à long terme. On a encore une fois écouté les riches qui en Louisiane sont les compagnies de pétrole et les investisseurs fonciers. En 2005, la vieille ville n’avait aucune goutte d’eau, car elle est située au-dessus du niveau de la mer. Nous continuons à construire en dessous de ce niveau. Avec le réchauffement de la mer, l’élévation du niveau de la mer, nous continuons à faire les mêmes erreurs !
Entretien réalisé par Fabien Perrier

Lorsqu’en 2005, l’ouragan Katrina ravage le sud des États-Unis, Zachary Richard est en pleine écriture. Son disque en porte la marque par un texte, la Promesse cassée, par la participation imprévue à l’album de certains musiciens qui, ayant perdu leur maison, se sont réfugiés chez lui. Inconscient signe prémonitoire, peut-être, certaines de ses chansons déjà prêtes abordaient les questions environnementales et sociales : les ouragans déjà survenus (l’Île dernière), les populations qui résistent à ceux qui veulent les chasser (la Ballade de Jackie Vautour), les bélugas, ces baleines en voie d’extinction (la Ballade de DL-8-153). À l’écoute, l’album semble très construit, comme si les morceaux se répondaient entre eux ; comme si leur auteur voulait dire combien les hommes ont parfois du mal à tirer les leçons de l’histoire. Mais c’est juste une question de hasard. Suffisamment heureux, dans ce malheureux contexte, pour donner un merveilleux opus où se mêlent rythmes country, folk, rock et blues, aux accents jazz ou cajuns, et où apparaissent des invités aussi éclectiques que Francis Cabrel, Sanseverino ou encore Ani DiFranco.
F. P.
Zachary Richard. Lumière dans le noir (Exclaim)/ http://www.zacharyrichard.com/
Articles parus dans l'édition du 29 juin 2007.

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Un talent hors normes

Album. Thomas Hellman illustre la diversité de la scène québécoise.
Il est rare de « lancer » un jeune artiste avec un coffret de deux disques sauf qu’il révèle bien qui est Thomas Hellman. C’est « une idée de la maison de disques pour briser les catégories », explique ce jeune chanteur québécois. « L’idée était de montrer le côté particulier, la dualité de ce que je fais : la rencontre du folk américain et de la chanson française. » Dualité et rencontre : deux mots-clés qui lui sont apparemment bien adaptés. Car Thomas Hellman, né d’un père texan et d’une mère française, semble naviguer dans un entre-deux permanent et séduisant. Entre deux langues, entre deux styles, entre deux continents en quelque sorte. En 2005, il signe un contrat avec le label Justin time au Canada et enregistre l’Appartement, un album presque intégralement en français, premier volume du coffret. Pourtant, alors qu’il était encore étudiant, à plancher sur Beckett, bilinguisme et identité, il commettait bon nombre de ses chansons en anglais. Certaines d’entre elles sont regroupées dans Departure Songs, le second volume. « Au Québec plus qu’en France, les gens sont habitués à parler avec des gens complètement bilingues, dit-il. J’ai vraiment deux langues maternelles, deux outils de création que j’utilise comme deux instruments de musique, en fonction de la chanson, en fonction de l’inspiration. » Or tout l’inspire, avoue-t-il. Ses paroles le reflètent bien : de la fille d’à côté à la déception amoureuse, des saisons à sa grand-mère, tout y passe. Sur des rythmes variés, folk, ballades, country, chanson française tendance « nouvelle scène », il croque son quotidien, avec talent et humour. Sur scène, il mélange les mêmes ingrédients : bilinguisme, reprises inattendues de classiques et autodérision. Un bel exemple de la diversité musicale québécoise à découvrir, au gré de ses envies : on y trouve toujours une mélodie à piocher, une nouvelle à écouter, un univers dans lequel s’engouffrer.
Thomas Hellman, L’Appartement - Departure Songs (Harmonia Mundi).

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lundi, juin 25, 2007

Lui, il n'y sera pas...

L'an prochain peut-être... Si Charlebois pouvait déferler de nouveau à Capbreton!

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Deux par deux rassemblés...

Poussière demain? Grandeur des refrains? On verra tout ça bientôt... Si si. Là!

La musique francophone d'Amérique du Nord va encore déferler. Et nous avec. Petits bénévoles volant vers le Cap(breton, mais très landais) de la fête et des plaisirs. Volant vers de lyriques envolées à la Higelin. Si si (ici).

Mais en attendant, si vous voulez vous échapper, à Paris, évasion gustative garantie dans un petit resto'... un clic? Oui, un clic et ça vous envoie au 20ème Ciel, Art, pardon, le 20ème Art donc, par ici!!!

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vendredi, juin 22, 2007

« La France, dans sa diversité, est un acquis irréversible »

Album. Avec la France des couleurs, Idir livre une réflexion musicale sur le pays. Un produit aussi surprenant qu’indispensable.
Le signe distinctif des grands créateurs, c’est peut-être de surgir et de ravir là où on ne les attend pas. Cela vaut aussi en musique. 1973 : le Kabyle Idir se fait connaître en chantant A Vava Inouva, une belle berceuse sur l’exil et la terre natale, qui va faire le tour du monde. Quelques albums et prises de position plus tard, Idir crée de nouveau la surprise en 1999 : il s’entoure de chanteurs d’horizons divers (Maxime Le Forestier, Manu Chao, etc.) qui enregistrent avec lui ses chansons ou des compositions nouvelles sur un très bel album, Identités. Entre tradition et modernité, l’opus présentait une réflexion musicale sur les mélanges, les rencontres, les évolutions qui constituent et façonnent les identités.
Quelle innovation pouvait donc trouver maintenant celui que les médias hexagonaux surnomment tour à tour « le sage », « le phénomène de la musique » voire « la figure du commandeur » ? Tout simplement, émouvoir en chantant que « la France des couleurs défendra les couleurs de la France », phrase qui a donné son titre au CD et qui revient en leitmotiv dans cet album-concept. « En musique, j’ai voulu dire merci à ce pays qui m’a adopté », explique Idir. Et de poursuivre : « À l’heure où l’on mêle immigration et identité nationale, où l’on propose de mettre des drapeaux pour affirmer que l’on est français, je fais passer l’idée que la France d’aujourd’hui, dans sa diversité, est un acquis irréversible. » Ce point de vue, sa musique le reflète. Diversité des rythmes d’abord : rap, slam, pop, chanson, reggae ou R’n’B sont les ingrédients de ce savoureux cocktail mélodique. Mélange des langues ensuite : français, kabyle ou langues africaines offrent des sonorités variées. Brassage des générations et éclectisme dans le choix des artistes, encore : de Tiken Jah Fakoly à Grand- Corps Malade en passant par Jean-Jacques Goldman, Nâdiya, Leslie, Disiz la Peste, ou Yannick Noah, ce sont plus d’une trentaine d’artistes qui viennent mêler leurs voix ou leurs instruments à ceux d’Idir. Étonnement enfin, dans la France des couleurs, avec la participation de Zinedine Zidane et de quelques autres joueurs de l’équipe de France de 1998. « La victoire de la Coupe du monde a été une parenthèse, mais elle a donné un élan irréversible à la France d’aujourd’hui. Ces joueurs continuent à donner l’exemple de cette France unique, et peut-être que la France des couleurs a été inspirée inconsciemment de ce que cette équipe a offert au pays », justifie le chanteur. Entre hommage à cette France de la diversité et dénonciation de certaines pratiques comme les expulsions (dans Mama : « Ma terre a expulsé mon père [...] mais qu’a fait l’homme du ministère »), ce petit joyau de dix-sept titres hautement symboliques constitue presque un manifeste politique. Sourire aux lèvres, Idir rétorque : « C’est la raison pour laquelle je n’ai pas voulu qu’il sorte pendant la campagne. » Mais il reconnaît que « l’artiste est un témoin de son temps. C’est la main qui peut caresser, le doigt qui peut accuser, la posture dans laquelle il peut déplorer voire condamner des choses ». Avec la France des couleurs, il fait passer un message riche et généreux. Il y a des sages que l’on devrait plus écouter... et plus entendre.
CD : La France des couleurs. Idir, Sony BMG.

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jeudi, juin 21, 2007

La Complainte des Forestiers...

C'est une complainte et une réflexion, celle de ces forestiers d'Amérique du Nord. C'est une réflexion en chanson. Qui déferle depuis dix ans sur les plages de Capbreton. Et qui déferle parfois dans les pages des meilleurs journaux. Comme ici, ou là. Qui déferle aussi sur le net, bien sûr, et vous n'avez que l'embarras du choix: un petit clic par-ci, un autre par-là, à moins que vous ne préfériez ici ou encore . Ou enfin, une petite recherche Google. Voilà ce que ça donne: "Résultats 1 - 10 sur un total d'environ 21 900 pour déferlantes francophones". IN-CON-TOUR-NA-BLE. Tel est le mot.
Tout ça pour vous donner un avant-goût de ce qui va se passer bientôt... Répétons. Un festival, c'est un paquet d'ingrédients amoureusement choisis et mélangés. Une dose de bonne humeur. Et un paquet d'humour. Le tout dans l'harmonie. Un peu comme un journal finalement. Je vous invite de nouveau à acheter celui dont l'image apparaît (ci-après) parce que l'interview avec les Têtes raides vaut vraiment le coup... Sans compter le reste! Chanson, réflexion et politique sont-elles étroitement mêlées?
J'aurais tendance à penser que oui. Que la chanson est un vecteur accessible à tous et qu'elle porte des messages directement compréhensible. Qu'elle fait passer les plus beaux messages, les joies comme les peines. Qu'elle fait penser en sussurant aux oreilles. A vous d'écouter, et de juger.

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mercredi, juin 20, 2007

Merci Papa Zoulou 32...

Il y a des jours, comme ça, où l'on pense que tout va bien se passer. D'abord, en se levant, on sait que l'on va découvrir pour la troisième journée consécutive, dans ces nouveaux locaux, des collègues, des clients, les habitudes des uns et des autres, bref tout ce qui fait la vie d'une société. On sait aussi qu'on a un rendez-vous important, qui tient à coeur, donc on décide d'être prêt tôt, de partir calmement, de pédaler en dosant - point trop n'en faut, histoire d'être encore présentable en arrivant, en ces temps où perce parfois la canicule. Et on sait aussi qu'il ne faut pas oublier d'acheter la presse, notamment Politis - oui, achetez Politis!

Retour au vélo. On monte donc la côte, content, sourire aux lèvres. Plein d'entrain. Quand, c'est le drame... l'incroyable, à 9h.15, le dérailleur se prend dans la roue arrière. Imaginez le tableau. Beau costume, un peu fashion, belle chemise, un peu claire... Et les mains, très noires parce qu'on est plié, en train de réparer, plutôt d'essayer de réparer les dégâts. Bien sûr, on se dit "p#§µ*n! la réunion commence dans un quart d'heure!" Première réunion clients, c'est bien ma veine. On décide donc de laisser en plan son petit vélo... que l'on récupérera le soir. En courant, on arrive à l'heure, dégoulinant - rappelez-vous, il faisait très chaud mercredi! Par chance, la réunion est décalée d'une petite demie heure. Ouf. Alors, le soir, on rentre, en sachant qu'on a encore quelques trucs à rédiger... Et bien sûr, on passe récupérer son moyen de transport normalement préféré. Qui n'avance plus. Pas de Bon Dieu qui aurait permis de soigner la roue, de l'ôter des griffes du dérailleur. On portera donc la bête. Epuisé, on décide de braver les interdits et de monter dans le métro avec son vélo. Et l'on tombe bien sûr, à peine les premières marches descendues, sur une équipe GPRS: "Ola, vous faîtes quoi là, Monsieur?".
- (Agacé, et dégoulinant) "Euh, je vais prendre le métro".
- "Avec la bicyclette..."
- "Oui, elle ne roule plus"
- "C'est interdit. Laissez, je regarde"
- "Si vous la réparez, je vous en suis éternellement reconnaissant... mais je doute que vous y parviendrez"
- "Il faut couper la chaîne, vous avez un couteau"...
Là, j'avoue, je me dis "heureusement que je n'ai pas de couteau sinon, il va le casser encore plus ce vélo!" et lui fait un signe négatif de la tête.
- "Bon, à titre exceptionnel, alors que c'est normalement interdit, je vous autorise à prendre le métro".
Ouf! Je vais pouvoir regagner mes pénates, et mon ordinateur, et mon interview à réécouter, et mon papier à terminer, à écrire en fait. A peine arrivé à l'entrée, refus de la part du guichetier, mais mon Sauveur arrive: "je lui ai rappelé les règles de sécurité, mais au vu de l'incident, je lui ai donné l'autorisation exceptionnelle de pénétrer l'enceinte du métro avec la bicyclette". Et même qu'il m'a ouvert les toilettes, pour que j'aille me laver les mains, m'a apporté du papier "pour que je laisse aussi propre qu'en rentrant", et m'a dit "si vous vous faîtes arrêter, dites que c'est Papa Zoulou 32 qui vous a autorisé, répétez!". "Ne vous inquiétez pas, un nom comme ça, je ne vais pas oublier!". "Oui, mais c'est important le 32". "Oui, Papa Zoulou 32".
J'ai pu rentrer sereinement chez moi, sourires aux lèvres. Alors, sur ce blog, je le clame haut et fort: "Merci Papa Zoulou 32". Vous voyez, je n'ai pas oublié!

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vendredi, juin 15, 2007

Splendide utopie mise en tango

Argentine. Le nouvel album de Juan Carlos Caceres, Utopia, est une étape supplémentaire dans l’histoire du tango qu’il explore au fil de ses albums.
Ne parlez pas du "tango traditionnel" à Caceres. Ne lui dites pas non plus qu’initialement, le tango se dansait entre hommes. L’artiste vous rétorquera, un brin agacé, "des idées reçues !", avant de leur tordre le coup avec ferveur.
"À l’origine, cette musique est un métissage spontané produit par différents peuples qui se sont rencontrés sur les bords du Rio de la Plata : "des anciens" d’Amérique du Sud, des migrants d’Europe - carbonari italiens, communards français - des esclaves noirs." Et de poursuivre : "Le tango dansé apparaît avec les danses de couple européennes, comme la valse. Dans les faubourgs, des gens vont se retrouver pour danser sur n’importe quel rythme. Les Blancs vont épier et copier les danseurs noirs. Face à la concurrence, à l’agilité et à la grâce des Noirs, les hommes dansaient parfois entre eux pour s’entraîner et ne pas faire mauvaise figure" face aux femmes.
Déconstruire les clichés comme "l’image officielle et commerciale" du tango, expliquer qu’il n’y a pas d’histoire linéaire et simple, voilà ce qui lui tient à coeur. Et l’Argentin Juan Carlos Caceres, débarqué à Paris en mai 1968, s’y emploie de tout son art, de tous ses arts plus exactement : historien, peintre, musicologue, musicien et chanteur, professeur et conférencier
enfin, tout est bon pour "passer un message". "À travers la continuité de mes CD, je raconte l’histoire oubliée, voire niée", explique-t-il. Celle qui sort de l’histoire officielle et qui intègre la critique sociale.
Avec son nouvel opus, Utopia, le chanteur, pianiste et joueur de trombone fait une musique populaire et le revendique. Il s’inspire de la murga, genre musical qui régnait dans les fêtes populaires de rue nées au XIXe siècle en Amérique du Sud ; les gens y défilaient en cortège, en chantant et en dansant ensemble. "C’est une grande tradition d’une certaine partie du tango", interdite pendant la dictature argentine, mais qui renaît aujourd’hui, "depuis 2001, comme contestation de la mondialisation". Utopia arrive donc à point nommé. "Par les temps qui courent, il y a un boulevard pour l’utopie, précise Caceres, il faut aller au fond des choses." Lui le fait sur les différents rythmes du tango : milonga, candombe et habanera. Son album est une référence à cette histoire reniée de l’Argentine, un regard sur le passé et ses liens avec le présent, et "comme toujours un constat" sur le monde qui l’entoure. "J’utilise le contexte historico-social de l’Argentine ; il n’est pas du tout local mais universel." Ainsi, Caminando est le fruit d’une promenade qu’il effectuait sur une avenue de Buenos Aires, massacrée aujourd’hui, d’où le "Petit Café", lieu de sa jeunesse, a disparu pour laisser place aux boutiques de luxe dont il se moque. Buenos Aires rappelle là bien d’autres capitales. Son Tango Negro est une touche d’humour : après ses concerts, les spectateurs lui disaient que sa musique était "antidépressive". En chanson, il invite donc à remplacer les "pilules" par le tango. Il met du baume au coeur et dépasse largement l’image traditionnelle, préfabriquée dont cette musique souffre. Au son du piano, des flûtes, des clarinettes, des cuivres et des grosses caisses de fanfare, Caceres a réussi, en tout cas, à réaliser une superbe Utopia.
Caceres, Utopia (Manana/Naïve).
Caceres participe au Gotan Project : Lunatico (Barclay-Universal).
Toutes les dates de concert sur :
http://www.mananamusic.com/
Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 15 juin 2007.

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mardi, juin 12, 2007

Étonnants Voyages en Tziganie

Festival. Cette huitième édition, et la sortie d’un coffret CD-DVD, nous montre les diversités de la musique manouche.
Du 13 au 16 juin, à la Bellevilloise (Paris), le festival Voyage en Tziganie fêtera ses huit printemps autour d’une dizaine d’artistes. Faire connaître la diversité de la musique tsigane est, depuis l’origine du festival, le mot d’ordre qui guide les choix du programmateur, Sacha Obradovic. Étonnant voyage en quatre soirées où découverte rime avec fête, où la nouvelle scène rencontre les légendes, où les rythmes s’entrechoquent.
Le premier soir, la musique des juifs nomades d’Europe de l’Est sera à l’honneur avec l’Amsterdam Klezmer Band et le Freylekh Trio. Sur leur dernier album, Yiddish et Yallah ! (allons-y, en arabe), les trois musiciens ont réuni des invités originaires des quatre coins du monde pour un melting-pot musical où la musique ashkénaze côtoie savoureusement le jazz, le rock, mêlant les rythmes arabisants et africains. Colorations balkaniques, le deuxième soir, avec le disco de Besho Drom et les chants d’Emigrante - Erika Serre. La voix tour à tour profonde et douce de Norig introduira la troisième soirée, au cours de laquelle flamenco, tango et jazz manouche fricoteront pour dévoiler une Tziganie moderne et éclectique. De la musique manouche au hip-hop, au funk ou à l’electro, il peut n’y avoir qu’un pas qui sera franchi le samedi 16 : les rockeurs de La Caravane Passe, la fanfare serbe Slonovski Bal, les DJ Tagada et Gaetano Fabri seront à l’honneur pour clôturer le festival et faire danser les spectateurs.
Bref, loin d’être enfermée dans un carcan, la Tziganie sait assimiler différentes influences musicales et « dépasser les poncifs », comme le revendiquent Vladimir Toporoff et Xavier Marga, du label Tzig’Art. Alors, à l’occasion de cette huitième édition du festival, ils sortent un petit joyau, Voyage en Tziganie. Terminus, qui regroupe des morceaux de Bratsch, des Yeux Noirs, O’Djila, etc.. Enregistré au cours du festival de 2006, ce troisième volume de la collection comporte un CD et un DVD et donne un bon aperçu de cette mixité musicale manouche comme de l’ambiance qui règne dans ces soirées festives.
Lieu : la Bellevilloise, 19-21, rue Boyer, Paris 20e. http://festival.tzigart.com/
Quelques références :
Voyage en Tziganie, Terminus, Tzig’Art/L’Autre distribution
Norig, Gadji, Tzig’Art/L’Autre distribution
Le Freylekh Trio, Yiddish et Yallah, MusiKaKtion
Slonovski Bal, Dzumbus, Bal Bazar/L’Autre Distribution.
Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 12 juin 2007.

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lundi, juin 11, 2007

Boire un petit coup c'est agréable...

Tout le monde connaît la chanson de fin de repas "Boire un petit coup c'est agréable, boire un petit coup, c'est doux." Et tout le monde connaît aussi la "morale": "mais il ne faut pas rouler dessous la table"... Tout le monde le sait.
Désolé, alors, de parler encore de Sarkovodka. C'est un sujet, visiblement, qui préoccupe un bon nombre de bloggueurs (comme ici) et, enfin, de journaux en ligne (ici par exemple ou encore là et surtout l'excellente "Rue 89"). Enfin, car il est temps... La télé belge a sorti l'affaire depuis quelques jours, et sans l'influence des blogs, sans doute, dans un pays où Lagardère et confrères sont possesseurs de médias, personne n'aurait évoqué l'affaire...
Regardez, mais surtout, allez jusqu'au bout. Pour remarquer les gestes, le regard, les hésitations. Ecoutez bien la réponse à Daniel Vernet...
Voilà comment la conférence de presse a commencé:


Conférence de presse Sarkozy-Poutine

Vous avez bien entendu et regardé? A 30 secondes du début, Nico fait un petit rot. En langage BD, on aurait écrit: "sans agressivité! Hips!".
Réchauffement climatique

Sarkozy et le Darfour

Sarkozy et la diplomatie directe

C'est celle-là qui me sidère le plus, je crois. Comment a-t-il pu oser répondre de la sorte? Quel est le message? Le contenu? La liberté d'un Chef de l'Etat? Depuis quelque temps, dans l'hexagone, nous avons l'impression qu'elle remet vraisemblablement en cause celle des médias. Qui aura le courage de surfer sur le net constatera que le traitement que les télés ont fait de cette conférence de presse refléte bien peu la réalité...
Certains disent que ce sont les défenseurs du Président qui ont mis l'intégralité de la conférence en ligne. Elle est censée révéler à quel point son discours, son argumentaire sont construits et ses propos cohérents. Ah bon? Il semble qu'elle l'accable plus encore. Ce qui est fort peu rassurant sur l'envergure de Sarkozy, sa capcité à se maîtriser. Un seul exemple: la réponse à la question de Daniel Vernet pose problème. Tout comme le comportement du Président dans son ensemble. Il apparaît que quelque chose ne va pas: ses mots, sa gestuelle, sa façon de scander les phrases ne sont absolument pas les mêmes que d'habitude. Surtout, le sens reste mystérieux. D'aucuns disent qu'il est essouflé. Pourtant, tout le monde a en tête cette image d'un Président qui coure, qui effectue ses joggings avec entrain et agilité, bref, d'un sportif à tout épreuve.
D'un seul coup, il déconstruit lui-même cette image idyllique qu'il voulait donner de lui. Malheureusement, la Chambre est déjà bleue...
Alors que s'est-il réellement passé? Et surtout, pourquoi les médias n'en ont-ils pas parlé?

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dimanche, juin 10, 2007

Quand notre cher Président en prend pour cher...

Je vous assure que Calamar s'apprête à passer une mauvaise soirée, une mauvaise semaine, puis un mauvais mois, et même une mauvaise législature. Il faut dire que Sarkoff a obtenu un sacré score aux Présidentielles, qu'il s'est ensuite bien débrouillé en matière de communication pour faire croire que la Gauche et la Droite sont "compatibles" et, conséquence, que les petits partis sont morts. Tout ça ne fait pas rire. Bref, la législature s'apprête à être dure et peu drôle. Voilà pourtant ce que l'on a pas vu en France, ni sur TF1, ni sur France 2, ni sur France 3. Pas la moindre dépêche AFP non plus. J'ai regardé sur France 24, là non plus: rien. Niet en langage vodka. Que se passe-t-il donc dans les médias? Sans doute une coalition des grands démocrates. Enfin, j'imagine...
En tout cas, c'est drôle. Quoi que. Drôle n'est peut-être pas le mot exact. Etonnant. Un brin inquiétant. Voire choquant. Jetez un coup d'oeil...


Cela vaut bien un nouveau libellé: Radar et alcootest. Qui eût cru qu'un jour, notre Très Cher Sarkovodkof se ferait flasher? C'est comme l'arroseur arrosé. De vodka, à bon entendeur...

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samedi, juin 09, 2007

Quelles chansons d'amour!

Deux jours, deux films au ciné. Voilà longtemps que ça ne m'était pas arrivé.
J'avais suivi les conseils de Clairounette qui m'avait incité à aller voir Les Chansons d'amour. A mon tour de relayer ce conseil. Frais, plein d'humour, tout en finesse dans le fond comme dans la forme, Les Chansons d'amour sont un vrai moment de détente où se mêlent découverte de Paris, une histoire d'amour (euh, des histoires d'amour -?- en fait), références au cinéma et à la comédie musicale. Les acteurs jouent magnifiquement. Plus de renseignements par-là: http://www.myspace.com/leschansonsdamour.
Et puis, vendredi soir, deux belles Âmes allaient au ciné - Aurore et Aurélia: deux brins de soleil, l'or et le levant en un seul instant, comment résister? Ne pas les accompagner était impossible. Tel un servant chevallier escortant deux splendides créatures, blondes princesses et muses de poètes, j'allais entre elles dans les rues de Paris. Mais je ne suis pas Louis Garrel (là, pour comprendre, il faut avoir vu le fim susnommé).
Nous sommes donc allés au Cinéma Bastille. Pour Le Scaphandre et le Papillon. C'est bien aussi. Mais plus pesant comme atmosphère. Mathieu Amalric joue extrêmement bien. Tiens, lui aussi a à faire à deux splendides créatures. Mais bon, il est dans son scaphandre, enfin, c'est une métamophore. Ce beau film est moins rafraichissant que Les Chansons d'amour. Parfois, même, l'atmosphère est pesante. En adéquation avec le fond, certes. En dire plus serait trop en dévoilé.
Comme ce blog manque d'animation, je suggère donc que tous ceux qui passent par ici et qui ont vu ces ceux films laissent un commentaire. Je sens que ça va débattre. A moins que vous ne préfériez que l'on parle des élections?

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vendredi, juin 08, 2007

Une étoile africaine à Paris

Gabon. Annie-Flore Batchiellilys veut faire de l’Olympia un haut-parleur pour son pays et l’Afrique en rejetant les musiques uniformisées.
« Je veux m’emparer du haut-parleur qu’est l’Olympia ! » Cette phrase, Annie-Flore Batchiellilys, chanteuse d’origine gabonaise, ne cesse de la répéter sur scène ou en entretien. Il faut dire que « l’étoile montante de la scène gabonaise » a des opinions et les fait entendre. Ambassadrice de bonne volonté pour l’UNICEF, chanteuse pour qui la chanson doit « porter un message », créatrice du festival des nuits atypiques de Mighoma, son village natal, elle saisit toutes les occasions pour dire ce qu’elle pense. Amour, partage et paix sont les valeurs qu’elle prône ; critique acerbe de la place de l’argent dans la société et dénonciation explicite d’un système politique rongé par la corruption - reviennent régulièrement dans sa bouche, qu’elle parle de son pays ou qu’elle le mette en musique. Quitte, d’ailleurs, à ce que ça lui pose quelques problèmes. Ainsi, quand elle attaque la corruption ancrée dans les moeurs, ses concerts sont peu à peu déprogrammés. Ainsi, quand elle souhaite produire son quatrième album, aucune banque ne veut lui prêter un centime. Même si elle était « à deux doigts d’être découragée », cela ne pouvait suffire à la faire taire !
Au cours d’une émission de télévision, l’étoile explique qu’elle veut filer à Paris produire un quatrième album. Son pays la soutient, achetant le disque en souscription, récoltant les fonds nécessaires auprès de sponsors et de mécènes. Ce retour en France - elle y a déjà vécu treize ans et est française par alliance - lui donne des ailes. Elle se lance dans la création d’un label et son spectacle au New Morning à Paris est un véritable succès. Elle qui chante souvent les yeux fermés, envoûte la salle de sa voix chaude et puissante, sur des rythmes traditionnels auxquels se mêlent des accents jazz, le français ou le punu, sa langue natale. « C’est bien si la musique fait danser... Mais je veux réveiller les consciences. » Sur scène, elle réveille les foules. Et elle semble avoir gagné son pari : le 21 janvier, c’est de l’Olympia qu’elle lancera son cri, déterminée à faire entendre sa différence, à faire connaître l’âme du Gabon et à lutter contre une musique uniformisée.
Prochain concert le 3 juillet à 21 h 30 au Petit Journal Montparnasse (Paris 14e).
Internet : http://www.afbmusicgabon.com
Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 8 juin 2007.

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Djin Djin sonne l’heure au Bénin

World. Ambassadrice de bonne volonté pour l’UNICEF, Angélique Kidjo chante l’amour comme la politique.
Le nouvel album d’Angélique Kidjo, Djin Djin, aurait aussi bien pu s’appeler « mélanges » tant les rythmes sont variés, les langues multiples et la brochette d’artistes qui se sont joints à elle impressionnante : Amadou et Mariam, Alicia Keys, Ziggy Marley, Peter Gabriel, Brandford Marsalis, Carlos Santana, Josh Groban ou Joss Stone. Les thèmes abordés, aussi, sont diversifiés : elle chante la magie de la naissance dans Salala, explique qu’il faut envisager la question de l’immigration « à la source » dans Ae Ae, raille la bourgeoisie victime de son amour de l’argent dans Senamou, ou encore s’interroge sur les rapports hommes-femmes dans Sedjedo. En conclure que cet opus manque d’unité serait toutefois précipité et erroné ! Au contraire, le Bénin, son pays natal, est là comme un fil directeur qu’elle envisagerait dans ses multiples facettes. « Du Bénin, j’ai pris les tambours et les rythmes », précise-t-elle. Jusqu’à transformer le Boléro, de Ravel, dans Lonlon, en un magnifique pont musical reliant l’Afrique et l’Europe. « Le musicien apporte la joie... mais
il éduque en même temps. Il est un - vecteur de communication », souligne Angélique Kidjo.
Un peu comme cette artiste le fait au quotidien, d’ailleurs. Née en 1960, elle s’est vite fait connaître par la chanson et accumule les succès. Aujourd’hui, ses activités dépassent pourtant le cadre de la musique. Ambassadrice de bonne volonté pour l’UNICEF, elle a aussi monté une fondation pour l’éducation : la fondation Batonga. « Nous devons régler nos problèmes nous-mêmes et être responsables de nos vies. Comment le faire si la jeunesse ne peut pas accéder à l’éducation secondaire ? » Éduquer et former, telles sont aujourd’hui ses préoccupations, pour sortir du « maintien de la colonisation de fait ». Pour cela il faut du temps. Retour à l’album : Djin Djin parle du temps, explique la chanteuse. C’est « une référence aux cloches qui sonnent, au Bénin, pour marquer le début de la journée. Mais c’est aussi une façon de dire que le temps est nécessaire pour rectifier le tir ». C’est un fait, avec Angélique Kidjo, musique et politique sont savamment et savoureusement mélangées.
Angélique Kidjo, Djin Djin (EMI).
Internet : www.kidjo.fr
F. P.
Article paru dans l'édition du 8 juin 2007.

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jeudi, juin 07, 2007

Danser le madison...

Si j'avais su qu'avec ce titre, dans un billet précédent (ici!), j'aurais autant de visiteurs!!! Visiblement, il y a un paquet de gens, en France, qui veulent apprendre à danser le madison en ce moment. Comme quoi, il est temps de ressortir. D'aller danser le rock. Savez-vous danser le rock? Et la valse? Et le tango?
A ce rythme-là, ce blog va se transformer en école de danse!!!

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samedi, juin 02, 2007

Delerm célèbre sa der des ders...

Dans la catégorie des endurants scéniques, des immaîtrisables, des généreux, le premier nom qui vient en tête, c'est Higelin, prêt à chanter pendant des heures quand, moment magique, une véritable communion existe entre la scène et le public. Dans la catégorie des modèles de la "nouvelle scène", le nom d'Higelin, encore lui, est très souvent répété. Mais entre avoir un modèle, et en prendre le meilleur, il y a une marge, parfois un gouffre. Hier soir, à l'Olympia, on n'était pas déçu. Loin de là. Surprise. Beauté. Humour. Plaisir. Tels sont les mots qui s'imposent. Le concert de Delerm était fabuleux. Tout en humour, tout en générosité. Il commence par une projection. Sourires puis rires dans la salle avec ce film de vacances. Le rideau blanc tombe, les premières notes des Piqûres d'araignée retentissent sous un tonnerre d'applaudissements. Tout cela a un petit côté brechtien, inversé dans un certain sens. Brecht, dans ses pièces de théâtre, introduisait des morceaux de musique, des sons inattendus, des portes qui claquent, des passages drôles dans une triste réflexion, comme effets de style: ses fameux "effets de distanciation". Dans son concert, Delerm introduit des projections, raconte des anecdotes, plaisante, s'amuse et amuse. Qui n'avait pas vu ce concert à la Cigale en novembre dernier ne pouvait s'attendre à tant de mise en scène subtile, à un spectacle aussi construit. Qui révèle le travail de Delerm et de sa jolie bande de musiciens. Ni s'attendre aux petites surprises. Irène Jacob vient, pour un duo charmant, du tout premier album. Delerm joue au chef d'orchestre sur un karaoké avec Mes parents, le titre qui l'a fait connaître... Autodérision et distanciation encore. Alors, en fin de concert, envoûté, le public n'a pas envie qu'il parte. Premier bis: il enchaîne trois chansons. Dont une première, surprise encore, avec Jean Rochefort sur Félicie aussi. Deuxième bis: il en reprend deux. Troisième bis: il s'y colle de nouveau. Assis - debout - assis -debout. Le public est enthousiasmé. Cette fois, c'est la fin. Pas du tout! Il revient, seul. Et comme c'est le dernier concert, pas question de terminer seul. Ses musiciens le rejoignent, qui étaient déjà dans les loges, à se changer. Combien de fois est-il revenu exactement, acclamé à juste titre? Impossible de se le rappeler. Ceux qui ont cru que le concert était terminé, qui sont partis après les saluts le regretteront, car ils ont manqué la der des ders. Finie la tournée. Dommage, car on voudrait bien en redemander! Au rang des endurants scéniques, des généreux artistes, et des drôles de chanteurs, on sait maintenant qui ajouter.
Il faisait si beau à l'Olympia hier soir :-)

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vendredi, juin 01, 2007

Évasion cap-verdienne

Festival. Jusqu’à la fin de la semaine, la musique du Cap-Vert est à l’honneur à Paris. Découvertes et coups de coeur assurés.

Du Cap-Vert, on sait bien souvent que c’est une république située dans l’océan Atlantique, constituée de dix îles et de cinq îlots. Un pays de contrastes, où les plages côtoient les volcans, où le développement économique est récent, la pauvreté encore grande. On en connaît surtout son ambassadrice hors pair, celle dont la voix chante son « petit pays » au-delà ses frontières : Cesaria Evora. C’est elle, justement, qui parraine la semaine du Cap-Vert qui a lieu à Paris jusqu’au 3 juin. Organisée par différentes institutions en lien avec le Cap-Vert (dont l’ambassade, un club d’entrepreneurs, des associations), cette semaine a une double vocation : montrer la « diversité culturelle » qui règne dans ce pays, et « contrecarrer l’idée d’un Cap-Vert à vendre », selon Elizabeth Moreno, présidente du Cabo Business Club, comme se plaisent à le faire croire certains médias.
Pendant une semaine, littérature, peinture, danse, musique et artisanat cap-verdiens sont à l’honneur. La diversité des créations saute aux yeux, fruit de l’histoire de l’archipel comme de sa géographie, au carrefour de l’Europe, de l’Amérique et de l’Afrique. Découvert par les Portugais en 1460, le Cap-Vert est progressivement peuplé et les colons font venir la main-d’oeuvre d’Afrique. La musique naît de cette rencontre entre deux continents. « Du Portugal, elle a hérité des instruments à cordes et de l’Afrique, des rythmes », explique Teofilo Chantre, une des voix cap-verdiennes renommées. Morna, coladera, batuco et funana sont les quatre principaux styles traditionnels. Ils expriment la joie ou la tristesse sur les rythmes lents, accompagnent le travail ou les rites. Teofilo Chantre a contribué à moderniser la morna et la coladera, en ajoutant des accents bossa-nova ou jazz. Lura, une jeune artiste cap-verdienne née au Portugal, très marquée par la soul, - renouvelle le batuco, musique des fêtes et des rituels religieux. Sa voix est douce et envoûtante, son chant profond. Relève toujours avec Mayra Andrade, dont l’album est un petit moment d’évasion où les styles traditionnels sont revisités, mêlant envolées jazz, afro ou brésiliennes.
L’arrivée de la musique cap-verdienne sur les ondes doit beaucoup à José Da Silva, le fondateur du label Lusafrica. Il a découvert Cesaria Evora, l’a lancée et la produit. Il s’occupe de Teofilo Chantre, de Tcheka ou de Bau. À Lusafrica, on trouve de nombreux jeunes artistes d’Afrique ou d’Amérique du Sud. Les raisons de ce succès ? « Je produis ce que j’aime, au fur et à mesure de rencontres, de voyages. C’est le coeur qui m’emmène », affirme-t-il. Il reste quelques jours pour partager ces coups de coeur, pour s’évader en musique, destination : Cabo Verde.

Paris. Place Saint-Germain-des-Près pour les animations et les concerts gratuits, à partir de 18 heures, jusqu’au 3 juin. Concert de clôture avec Teofilo Chantre, Mayra Andrade, Lura, Tito Paris et Gil Semedo au Bataclan (11e), dimanche 3 juin, de 18 heures à 22 heures.
Quelques références discographiques : Teofilo Chantre, Azulando (Lusafrica) ; Lura, M’bem di fora (Lusafrica) ; Mayra Andrade, Navega (Sony BMG).

Fabien Perrier
Article paru dans l'édition du 1er juin 2007.

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